Et d’une femme naquit un monstre ….

Revenons à nos classiques et pas n’importe lequel ; un né de la main d’une femme au XIXe siècle.

Imaginez une villa près de Genève en 1816. Deux hommes attendent la visite d’un couple, il s’agit de Polidori et Byron ; le couple ce sont les Shelley, Percy et Mary. Ils sont accompagnés par la demi-sœur de cette dernière Claire Clairmont. Le temps est exécrable et Byron propose que chacun écrive une histoire de fantôme pour tuer le temps.

Et c’est ainsi que Byron créa un scénario parcellaire qui sera utilisé par Polidori  pour The Vampyre précurseur du Dracula de Stoker ; Percy Shelley ne fit rien de transcendant mais Mary grâce à la lecture de certains titres fantastiques et une bonne dose d’opium, nous fit un sacré cauchemar dont un dénommé Frankenstein surgit !  Elle le termina en 1817 et le fit publier anonymement l’année suivante !

Frankenstein ou le Prométhée moderne / Mary Shelley . – Garnier-Flammarion. – 9782080703200

Résumé :

Robert Walton écrit des lettres à sa sœur à propos de son expédition vers le pôle Nord, à bord d’un bateau. Il voit passer un traîneau portant un géant, puis rencontre un homme coincé sur un bloc de glace avec un traîneau similaire, Victor Frankenstein. Celui-ci, désespéré et ayant perdu tout goût pour la vie, raconte à Walton la cause de ses malheurs.

Il est issu d’une famille relativement nombreuse qui se fixe à Genève. Etudiant en premier lieu la philosophie naturelle, il se découvre une passion pour la pierre philosophale et part poursuivre ses travaux à Ingolstadt. Au cours de ses progrès rapides, il découvre le moyen de donner la vie. Il se dévoue alors corps et âme à cette tâche qui l’occupe pendant des mois, et donne naissance à un être surhumain mais hideux d’apparence. Alors qu’il prend vie, Frankenstein, horrifié, fuit. Il rencontre le lendemain son ami d’enfance, Clerval, et tombe gravement malade, puis guérit quelques mois plus tard. Alors que leur retour à Genève est sur le point d’être prévu, Frankenstein apprend que son frère William a été assassiné par un voleur. Il se rend sur place et aperçoit son monstre, près du lieu du crime. Justine Moritz, la servante de la famille Frankenstein, est accusée du meurtre. Victor est convaincu de son innocence mais la jeune fille est condamnée à mort et exécutée. Désespéré, Frankenstein part à Chamonix où il rencontre le monstre, envers qui il éprouve une ardente haine. Celui-ci lui conte son histoire.

Livré à lui-même, le monstre a appris tout seul à survivre. Il entre vite en contact avec des humains qui, effrayés par son aspect difforme, le chassent. Il en vient à observer une famille où l’éducation d’une étrangère juste arrivée et la découverte de livres permettent au monstre d’apprendre à parler et à lire. Après quelque temps, il entre en contact avec le père, aveugle, mais est chassé par le reste de la famille. Il s’enfuit alors, décidant de se rendre à Genève pour rencontrer son créateur, dont il sait qu’il l’a abandonné, et mûrissant une vengeance contre l’espèce humaine qui le rejette. Il y rencontre le frère de Frankenstein (William Frankenstein), qu’il tue en apprenant l’identité de son frère, et s’arrange pour qu’une autre soit accusée du crime (Justine Moritz).

Le monstre demande à Frankenstein de lui concevoir une femme, pour qu’ils puissent vivre tous deux isolés et heureux. Frankenstein accepte à contrecœur, en étant informé des projets du monstre de le suivre et de le surveiller, et part pour l’Angleterre avec Clerval. Alors que celui-ci reste avec des amis, il se livre à ses travaux aux Îles Orcades, mais se rend soudain compte que son travail permettrait au monstre d’avoir une descendance qui serait un grave péril pour l’espèce humaine. Il détruit alors sa création inachevée alors que le monstre apparaît. Ce dernier le prévient alors de son projet de transformer son existence en enfer, et s’enfuit. Frankenstein va alors jeter ses instruments de chimie à l’eau, mais est entraîné vers le rivage irlandais où il apprend le meurtre de son meilleur ami Clerval dont il est accusé à la place de sa créature. Il tombe alors gravement malade mais survit, et son innocence est prouvée par son père qui vient en Angleterre le soutenir. Il revient chez lui avec ce dernier, et se prépare alors à son mariage avec sa cousine, Elizabeth. Cependant, réalisant l’avertissement, mal interprété par Frankenstein, de sa présence le jour du mariage, le monstre la tue alors. Frankenstein, horrifié, va apprendre la nouvelle à son père qui en meurt. Il dédie alors sa vie à la traque du monstre qu’il a créé, pour que seul l’un d’eux survive. Le monstre, s’amusant de ce jeu et conscient de sa supériorité, l’emmène vers le Nord car il est insensible au froid. Ayant perdu la trace du monstre, bien qu’aidé par les esprits des victimes du monstre, Frankenstein s’égare.

Forcé par l’équipage à rebrousser chemin, Walton assiste, impuissant, à la mort de son ami, qui n’a plus assez de force pour poursuivre sa traque. Le monstre arrive peu après et apprend la mort de son créateur. Il s’exprime sur son dégoût de lui-même en pensant aux meurtres qu’il a commis, poussé par l’envie de se venger d’un créateur inconscient et irresponsable et quoique cette envie lui répugne, en vertu d’une aspiration initiale au bien que la méchanceté de la race humaine a détruite. Il annonce son projet de se suicider et disparaît dans le brouillard.

Avis :

Hé bien, ce n’est pas un livre si évident que ça, la lutte du bien contre le mal, la nature contre le monstre qui est une dérive de la science… J’avoue franchement avoir eu du mal à le finir, et pas seulement parce que je suis assez peu ouverte à la littérature du XIXe, encore plus gothique, le style est parfois si lourd à cette époque que j’ai envie d’attraper les livres et les taper par la fenêtre ! Je sais c’est pas bien de la part d’une bibliothécaire mais on ne se refait pas !

L’idée véhiculée ici est que la science est là pour améliorer ce qui ne va pas dans la nature (et donc dans ce que les dieux ont créés ) mais évidement le scientifique doit s’attendre à un retour de bâton assez spectaculaire ! On ne joue pas à l’apprenti-sorcier sans en payer les conséquences !

Digression sur le titre d’abord : pourquoi la comparaison entre le docteur Frankenstein et Prométhée (je vous renvoie à vos références classiques) ? Parce que la créature de Frankenstein et Prométhée ont la connaissance du bien et du mal et ce don normalement positif les a tous deux précipité dans l’abîme !

Par rapport à la science et surtout aux chercheurs, Mary Shelley donne une vision très juste de leur façon de faire : A force de vouloir faire tomber les obstacles dans leur quête du savoir, les chercheurs provoquent parfois plus de questions que de réponses, créent de nouveaux problèmes qui s’ajoutent à ceux qu’ils essayent de résoudre, c’est sans fin et dénote parfois d’un manque de recul par rapport à leur projet, une vision trop courte qui ne voit pas les conséquences parfois néfastes de leurs découvertes.

La mort est très présente puisque c’est pour ne pas revivre l’horreur de cette dernière que Frankenstein crée son monstre mais quand celui-ci provoque à son tour la mort, c’est seulement là que le docteur se rend compte de son erreur et de sa responsabilité ! C’est vraiment un roman sombre, fait pour se poser des questions par rapport à la vie, la mort, les rapports humains, les préjugés (à ce niveau la scène avec le vieillard est éclairante car la rencontre avec le monstre se passe bien puisqu’il est aveugle et donc ne peut juger sur l’apparence, aux contraires des autres personnes qui le croisent dans le livre) …

C’est une histoire fantastique oui mais surtout c’est un roman scientifique, au style désuet, aux phrases parfois pompeuses, descriptions longuettes de la nature… mais qui se laisse quand même lire et qui reprend bien à son compte la parole de Rabelais « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » .

Mais même vieillit, on se pose des questions, on se découvre de l’empathie pour le monstre, bref on stimule son cerveau en lisant au moins une fois dans sa vie ce classique du genre ! Et puis ce qui m’a toujours épaté avec ce livre c’est que son auteur était si jeune au moment de sa conception ! Si jeune et déjà si mûre, se posant des questions si grave, sur la vie, la mort, le bien, le mal, les acquis de la science…